La vie d’Elsa s’est arrêtée brutalement, le 7 janvier 2015, dans les locaux de Charlie hebdo, aux cotés de ses amis assassinées. Elle y tenait la chronique psy.
Le livre qu’elle nous laisse m’a bouleversée. Intelligent, iconoclaste, entier, Il décrit l’incapacité d’aimer dans un monde « déshabité » régi par l’avoir et non l’être.
Elle nous explique que pour pouvoir aimer l’autre et être aimé, il faut d’abord revenir à soi, être capable de s’aimer soi-même.
Et comme un passage obligé, elle nous fait réfléchir sur notre filiation, Comment a-t-on été aimé pour pouvoir s’aimer…
Elle nous incite à comprendre son propre rapport à l’autorité, à être capable de comprendre les mots/maux qui nous ont bloqués, d’en mettre d’autres à la place, de ne plus se cacher derrière un vocabulaire qui détourne de sa réalité.
Ainsi en se délivrant du sens refoulé dont chacun est prisonnier, il est possible de s’affranchir de sa peur de l’autre, de la peur du jugement, la peur d’assumer son originalité… Or ne plus avoir peur de se tromper, c’est pouvoir être soi et pouvoir aimer.
Elle nous donne son point de vu sur « l’abus de pouvoir » de la société, qui impose un ordre établi, réduit la jouissance à une transgression… et nous vide progressivement de notre être.
Il faut sortir de cet état de soumission, d’arrêter de courir après la reconnaissance de l’autre, arrêter de douter de soi.
Dans la filiation comme dans la société, guettent les mêmes maux : la logique de l’avoir, celle de l’abolition de soi, la haine que l’on a en soi, qui toutes, conduisent à l’autodestruction.
Mécanismes similaires dans l’intimité familiale comme dans la vie collective, ils assaillent l’individu, qui hésite, à peur d’être libre, de construire sa vie ; lui qui aime avoir la bénédiction d’une autorité et ce faisant ressent l’humiliation le besoin de demander la permission.
La capacité de s’aimer, c’est celle de rompre cette chaine, tant individuelle que sociale, celle de prendre son destin en main, son désir au sérieux.
La capacité de s’aimer, c’est être face à sa terrifiante capacité d’agir, c’est être à la barre de sa propre responsabilité, ne plus se cacher, craindre mais regarde sa crainte en face, ne plus haïr et se haïr.
Lentement se construit un nouveau point de départ dans la vie : une relation avec soi-même dont on ne pressentait pas l’existence.
L’individu va apprendre à se penser sans se juger et à circuler différemment dans le sens, le corps et l’esprit.
Merci Elsa !!
La capacité de s’aimer. Elsa Cayat – Editions Payot – 14,50€